L’ « auteur implicite ». Remarques à propos de l’évolution de la critique
d’une notion entre narratologie et théorie de l’interprétation*

 

L’article de Tom Kindt, professeur de littérature allemande à l’Université de Göttingen, a paru dans Théorie du récit. L’apport de la recherche allemande, publié sous la direction de John Pier en décembre 2007 aux Presses universitaires du Septentrion. Cet ouvrage recueille treize articles rédigés par les membres du Groupe de Recherche en Narratologie de l’Université de Hambourg (www.Narrport.uni-hamburg.de) dont les recherches se poursuivent actuellement au sein du Centre Interdisciplinaire de Narratologie de la même université (www.icn.uni-hamburg.de). L’article est publié avec la permission de l’éditeur. Des renseignements plus amples sont disponibles sur le site web de l’éditeur à l'adresse suivante: http://www.septentrion.com/livre_aff.asp?id=974

 

 

par Tom Kindt
Université de Göttingen

 

Il est rare qu’un spécialiste de littérature se soit si complètement fourvoyé sur le potentiel de provocation d’une de ses idées que Wayne C. Booth lorsque dans un article datant de 1952, il introduisit le concept d’ « auteur implicite » (implied author) dans la discussion relative à la théorie littéraire :


Il est évident que, dans toute œuvre écrite, il existe un narrateur ou un « auteur » implicite qui « intervient » pour opérer les choix lui permettant d’écrire son histoire ou son argumentation ou son exposition de la façon qu’il désire. C’est lui qui décide de raconter telle histoire plutôt que telle autre, qui use de ses preuves plutôt que de tout autre type de preuves. En bref, il écrit « ceci » plutôt que « cela », et c’est ainsi qu’il gagne pleinement le nom d’artiste. Il « intervient » à chaque étape, même si c’est de manière très discrète1.


Bien loin de constituer une évidence, la notion d’auteur implicite a déclenché depuis son introduction une intense controverse qui n’a connu son pareil que dans peu de domaines de la théorie de la culture ; elle a suscité une multitude de prises de positions, des attaques violentes autant que des plaidoyers passionnés pour sa défense. Un bref regard sur les travaux présentés durant les cinquante dernières années à propos de l’auteur implicite montre que la controverse est encore loin aujourd’hui, après un demi-siècle, de faire l’unanimité quant à l’utilité et aux inconvénients de la notion2.
Il y a une raison simple à ce que je développe une autre proposition quant à la façon d’envisager la notion de Booth dans ce qui va suivre, et ceci malgré le grand nombre et le maigre succès des positions adoptées jusqu’ici : les propositions pour supprimer, préciser ou conceptualiser de nouveau une notion n’ont de chances d’aboutir que si elles prêtent suffisamment attention au contexte fondamental de la gestation, de l’utilisation ou du refus de la notion en question. Ce n’est cependant pas le cas dans les contributions existantes sur l’auteur implicite. Partant de cette conviction, mes réflexions se diviseront en trois parties. Dans la première partie de ma présentation, j’examinerai l’introduction du concept. La deuxième partie cherche à contribuer ensuite à la reconstitution de la discussion à propos de la notion d’auteur implicite durant les quarante dernières années. Enfin, dans la troisième partie de cet exposé, j’avancerai des propositions pour expliquer la notion au vu de la perspective historique retracée dans les deux premières parties3.

 

1. La genèse de la notion

Bien que la notion d’auteur implicite, comme il a déjà été mentionné, soit présente dans un article de Booth datant de 1952, l’introduction de la notion à proprement parler n’eut lieu que dans les réflexions à propos de la littérature narrative et de sa théorie présentée en 1961 sous le titre The Rhetoric of Fiction4. Ce livre très remarqué se rattachait à l’École critique de Chicago fondée au sein de l’université de cette ville par les professeurs de Booth, Ronald S. Crane, Richard McKeon et Elder Olson5. Les critiques de Chicago s’étaient fait remarquer dans les années 1930 et 1940 par des textes programmatiques comme History versus Criticism in the Study of Literature6 de Crane ou Education and the Disciplines7 de McKeon dans lesquels ils réclamaient que la théorie littéraire se détourne de la position dominante de la critique génétique et textuelle pour se régénérer à partir de l’esprit de la philosophie aristotélicienne. Crane et ses partisans s’entendaient sur le fait que la seule manière de sortir les disciplines philologiques de leur insignifiance au niveau social consistait à envisager les œuvres littéraires comme des constructions esthétiques à propos desquelles il convenait de se concentrer non pas sur leur situation historique, mais sur leur structure formelle et rhétorique. Bien que la génération fondatrice de l’École critique de Chicago ait déjà défendu une position incluant par principe auteurs et récepteurs, leurs représentants, de même que ceux de la Nouvelle critique autour de John C. Ransom, Monroe C. Beardsley et William K. Wimsatt, une orientation apparue simultanément mais d’une influence incomparablement plus grande, passaient sous silence dans leurs études les effets produits par les textes ou les intentions de leurs auteurs.
Cet état de fait changea à partir de la deuxième génération de l’École de Chicago, dont Wayne C. Booth (1921-2005) devint le représentant le plus connu au niveau international. En se démarquant des idées de la Nouvelle critique, il tenta sérieusement de s’atteler au projet d’une critique littéraire néo-aristotélicienne dans The Rhetoric of Fiction. L’objectif poursuivi dans cet ouvrage exhaustif était aussi de procéder à une analyse rhétorique de textes narratifs pour lesquels une telle étude était généralement considérée comme inadaptée. Dans la préface de sa monographie, Booth annonçait qu’il ne serait pas question de littérature didactique, de textes de propagande ou de littérature engagée dans ses efforts pour faire apparaître une rhétorique du genre narratif : « Mon sujet d’étude est la technique des fictions non didactiques, vues en tant qu’art de communiquer avec les lecteurs, c’est-à-dire les ressources rhétoriques dont dispose l’auteur d’un récit épique, d’un roman ou d’une nouvelle pour tenter, consciemment ou non, d’imposer son univers fictionnel au lecteur. »8
À la tentative de mettre véritablement en valeur l’orientation rhétorique d’une conception aristotélicienne de la littérature s’alliait une dimension résolument éthique dans la conception qu’avait Booth de la critique de Chicago. Booth lui-même rattachait cette particularité de son travail scientifique à une influence biographique que l’on ne peut ignorer, même dans ses dernières publications9. Ayant grandi au sein d’une communauté mormone dans l’Utah, il avait exercé pendant environ deux ans les fonctions de pasteur en titre pour l’Église mormone avant d’entreprendre des études de lettres :

La plus visible de mes missions, depuis l’époque où j’étais littéralement missionnaire mormon, s’est trouvée largement centrée […] sur la manière dont les gens, les personnages, les individualités, réels ou littéraires, sont façonnés, valorisés ou dépréciés par la rhétorique. Dans la hiérarchie des éléments du bien confortés ou nuits par la rhétorique, mon intérêt s’est concentré sur la qualité des rhéteurs ainsi que de leurs auditeurs10 .

Booth considérait par conséquent la transmission de mondes fictionnels dans le genre narratif comme une transmission d’ordres de valeur. D’après lui, devait figurer au centre d’une rhétorique de la littérature : « l’intensification ou le refoulement, non pas de la simple curiosité, mais de l’engagement moral et émotionnel envers les personnages. »11 Les stratégies narratives et les effets littéraires ne lui paraissaient donc porteurs de sens que s’ils possédaient – au sens le plus large du terme – une dimension éthique.
Dans les philologies nord-américaines des années 1950 et 1960 quand la Nouvelle critique détenait sans conteste la souveraineté sur les opinions, une telle contribution qui considérait les textes « en premier lieu non comme quelque chose qui signifie ou qui est mais comme quelque chose qui fait »12 et s’intéressant donc autant à la communication entre l’auteur et le récepteur qu’aux effets intentionnels et aux impressions de lecture, devait naturellement apparaître comme une provocation13. Booth écrivit en 1968 dans une note sur la genèse de Rhetoric of Fiction combien les perspectives étaient en leur temps défavorables à une analyse rhétorique des textes littéraires orientée selon une perspective éthique :

Toute une génération en était arrivée à accepter sans réfléchir l’idée qu’un vrai « poème » (et cela inclut la fiction) n’est pas censé « signifier » mais « être ». Ayant disqualifié l’auteur au prétexte de l’ « illusion de l’intention » (intentional fallacy), les lecteurs au prétexte de l’ « illusion affective » (affective fallacy), le monde des idées et des croyances au prétexte de l’ « hérésie didactique » (hérésie didactique), et l’intérêt narratif au prétexte de l’ « hérésie de l’intrigue » (hérésie de l’intrigue), certaines doctrines de l’autonomie de l’œuvre s’étaient desséchées au point de ne laisser subsister que les systèmes de relations verbales et symboliques14.

Bien que Booth ait éprouvé assez tôt un certain scepticisme vis-à-vis de la Nouvelle critique et surtout de la pléthore et du caractère dogmatique des maximes d’interprétation émanant de cette orientation, il semble bien avoir tenu pour justifiées, pendant qu’il travaillait à Rhetoric of Fiction, les mises en garde à l’encontre de l’ « illusion de l’intention » et de l’ « illusion affective » lors de l’interprétation d’œuvres littéraires. Dans l’introduction de son livre A Rhetoric of Irony (1974), où Booth renvoyait explicitement à l’influence exercée sur lui par la théorie de l’interprétation intentionnelle d’Eric D. Hirsch, il ne parvenait pas encore à rejeter purement et simplement la conception de l’ « illusion de l’intention » :

Il est sain de parler d’ « illusion de l’intention » dans la mesure où cela nous rappelle que nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes critiques en téléphonant à Voltaire pour lui demander ce qu’il voulait dire avec sa phrase sur les rois rivaux. La meilleure preuve des intentions qui sous-tendent une phrase donnée de Candide n’est autre que la totalité de Candide15.

Le projet d’une interprétation rhétorico-éthique de la littérature s’est avéré pour Booth (on peut le résumer ainsi) comme un compromis entre l’intention de raviver l’intérêt pour l’auteur et le récepteur dans la réflexion critique sur la littérature et la crainte de franchir les limites de l’œuvre et de se rendre ainsi coupable d’employer l’un des nombreux procédés d’interprétation mis à l’index par la Nouvelle critique. Booth fit face à cette situation en faisant de la nécessité vertu et donna à sa rhétorique de la littérature une orientation de nature formaliste : il ne chercha à évaluer ni les auteurs et leurs stratégies par des interprétations sur le plan intentionnel, ni les lecteurs et leurs impressions par des études empiriques de réception ; les instances de la communication littéraire devaient au contraire regagner la faveur des études littéraires en tant qu’ « éléments contribuant à la forme. »16 Cette idée eut ses répercussions les plus importantes dans la catégorie de l’auteur implicite, permettant à Booth de s’en tenir à l’idée selon laquelle il pouvait interpréter et critiquer les univers normatifs des œuvres littéraires sans tomber sous le coup des « illusions » et des « hérésies » dénoncées par la Nouvelle critique. En bref, ce concept représentait un compromis qui permettait à Booth de réaliser un programme rhétorico-éthique dans une période de prédominance fondamentaliste de l’immanence textuelle.
Avant d’aborder la discussion du concept, j’aimerais, brièvement au moins, évoquer deux points obscurs caractérisant les remarques formulées par Booth sur l’auteur implicite qui apparaissaient déjà dans Rhetoric of Fiction et qui devaient gagner en importance dans sa réception. Cette obscurité a son origine dans le fait que Booth ne se prononçait pas dans ses réflexions sur la question de savoir si sa rhétorique constituait une théorie de la réception quasi empirique ou une théorie de l’interprétation au fondement normatif. D’une part, ses développements ne définissaient pas le rôle de l’auteur implicite au sein de la communication littéraire (A), et d’autre part, ils ne fournissaient aucune indication d’ordre méthodologique et donc sur le statut épistémologique de la fonction de l’auteur implicite d’une œuvre (B).
(A) Dans Rhetoric of Fiction, Booth a attiré à plusieurs reprises l’attention sur la nécessité de la distinction entre la notion d’auteur et celle d’auteur implicite, mais il n’a avancé dans toute sa monographie aucune explication des relations exactes que les deux notions entretiennent l’une avec l’autre. Dans une mouvance permanente, il a au contraire donné deux descriptions du rapport entre l’auteur et l’auteur implicite qui se contredisent. D’une part, il définissait l’auteur implicite comme une émanation de l’auteur empirique. À la suite de Kathleen Tillotson, Booth partait de l’idée qu’un auteur, lorsqu’il écrit un texte, projette toujours une image de lui-même17. « Quand il écrit », lit-on dans Rhetoric of Fiction à propos de l’auteur d’un texte littéraire, « il ne crée pas simplement un idéal impersonnel d’ « homme en général », mais une version implicite de son « moi » qui diffère de tous les auteurs implicites présents dans les œuvres d’autres auteurs. »18 Cependant, Booth décrivait aussi l’auteur implicite comme étant une inférence émanant du récepteur réel. Au regard de cette définition, il ne fallait pas considérer l’auteur comme le créateur d’un auteur implicite : intentionnellement ou non, l’auteur ne fournit que la matière nécessaire à son élaboration. D’après une telle caractérisation, l’auteur implicite correspondrait à une image que les lecteurs se font de l’auteur à la lecture d’un texte : « Aussi impersonnel que tente de se faire l’auteur, le lecteur n’en construira pas moins sa propre image du scripteur qui écrit de cette manière. »19 Bien qu’il soit évident que l’auteur implicite ne puisse pas être compris en même temps comme une image de l’auteur fabriquée par le récepteur et comme une image de lui-même créée par l’auteur, Booth s’en est tenu jusqu’au moment de sa mort à ces deux définitions issues de Rhetoric of Fiction. C’est ce qui réapparaît clairement dans sa réponse à la critique formulée par Richard A. Posner à l’encontre d’une conception de la littérature orientée sur un plan éthique. À côté de passages qui décrivent l’auteur implicite en tant qu’inférence émanant du récepteur, on retrouve encore certaines formulations difficilement compatibles avec une telle définition de la notion : « Le Mark Twain avec qui nous vivons lorsque nous lisons Huck Finn n’est pas Samuel Clemens, homme complexe de chair et de sang, mais la personne volontairement dépouillée de tous ses traits caractéristiques à l’exception de ceux qui renforcent l’histoire. Le Clemens réel a créé Twain, être supérieur avec qui nous sommes en relation. »20
(B) Outre la question de la définition de l’auteur implicite, celle de sa reconstruction demeure ouverte dans Rhetoric of Fiction. Dans tout le livre, Booth n’a pas entrepris ni même ébauché de tentative pour indiquer comment extraire l’auteur implicite d’un texte littéraire. L’absence de réflexions à ce sujet s’explique probablement du fait que Booth ne pensait pas devoir trancher en faveur d’une notion représentant une image de l’auteur par lui-même ou créée par le lecteur : c’est pourquoi, d’un côté, il entendait par auteur implicite la construction émanant du récepteur empirique et attirait expressément dans ce sens l’attention sur ce que la présence d’un auteur est reconnaissable dans son texte seulement par celui « qui sait le chercher. »21 En dépit de ce postulat, il ne considérait pas du tout qu’il y ait lieu de donner des indications concernant les modalités d’une telle recherche, les étapes qu’elles devraient recouvrir ou les procédures et les règles qu’il convenait de respecter. Manifestement, Booth tient de telles indications pour superflues parce qu’il pensait que l’auteur implicite montrerait de façon claire le chemin vers sa propre construction. En conséquence, on lit à propos de la présence des auteurs dans leurs textes : « [I]l est clair que l’image de cette présence dans l’esprit du lecteur est l’un des plus importants des effets suscités par l’auteur. »22 Booth ne semble pas avoir remarqué jusqu’au moment de sa mort que ses amples développements sur l’auteur implicite éludent la méthode de sa reconstruction. Bien qu’entre-temps il ait adopté l’avis que l’analyse littéraire se fondant sur les principes de la rhétorique ne représente qu’un programme d’interprétation parmi d’autres23, il semble néanmoins toujours considérer la reconstruction de l’auteur implicite comme étant une forme privilégiée de l’interprétation du texte : « J’ai toujours reproché aux anti-intentionnalistes de confondre deux types d’intentions : les intentions possibles (inférées) de l’auteur de chair et de sang – celles qui sont citées dans ses notes, sa correspondance, sa conversation – et les intentions réelles telles qu’elles sont révélées par la totalité de ses choix. »24

 

2. La réception de la notion

Les indications suivantes relatives à la discussion de la notion de Booth – discussion qui s’étend sur quatre décennies – ne présentent pas les contributions relatives à la polémique concernant l’auteur implicite dans leur ordre chronologique. Cette controverse ne sera pas évoquée d’un point de vue historique, mais typologique, ceci pour trouver un point d’ancrage dans l’explication de la notion. La question du contexte littéraire ayant déterminé les travaux sur la notion est de première importance pour la distinction des différents types de réception de l’auteur implicite. À partir de cette façon de poser le problème, il est possible d’établir que, pour l’essentiel, la notion a été traitée de deux façons : par rapport à l’interprétation des textes littéraires et par rapport à leur description. Dans le premier type, on trouvera des applications de la notion dans des travaux qui traitent de façon systématique ou au moyen d’exemples de la reconstruction du sens global des textes, alors que dans le deuxième groupe, les références à l’auteur implicite sont à rattacher à des travaux dans lesquels il s’agit pour l’essentiel d’une définition différenciée des structures des textes littéraires25. Au sein du contexte de l’interprétation des textes, comme cela apparaît dans l’exploitation des exposés réception concernés, il s’agit de distinguer entre deux sous types issus de la discussion de la notion. Lorsque l’on se réfère à l’auteur implicite dans le contexte interprétatif, il peut être question soit de sa validité en tant que notion clé de la théorie de l’interprétation soit du rôle de l’auteur implicite dans la pratique de l’interprétation. Aussi je distinguerai entre les emplois de la notion selon qu’elle est employée dans un contexte théorique oudans un contexte pratique de l’interprétation. L’attribution de certaines références à l’auteur implicite dans l’un ou l’autre de ces contextes s’accordera en règle générale avec la façon dont les utilisateurs comprennent cette notion26.
           
2.1. La réception dans le contexte théorique de l’interprétation

Je ne poursuivrai pas ici les débats théoriques sur l’interprétation de la notion d’auteur implicite qui ont débuté par les nombreux comptes rendus de Rhetoric of Fiction. Certes, cet aspect de la discussion à propos de la notion n’est pas encore tari aujourd’hui, bien que depuis les années 1970 il reste clairement en retrait du débat sur le concept qui s’est développé suivant la percée de la narratologie dans la théorie littéraire. Finalement, cela devrait être dû aussi au fait que lorsque l’on thématise l’auteur implicite dans une théorie de l’interprétation, il s’agit davantage d’une suite de commentaires disparates que d’une discussion continue. C’est notamment le cas, sans pratiquement aucune exception, pour les références à l’auteur implicite qui adoptent la notion comme bouche-trou dans la théorie de l’interprétation en ce qu’elles comparent la démarche de Booth avec leurs propres positions, renonçant habituellement à tenir compte dans leurs réflexions des prises de position précédentes. Une autre caractéristique propre à la plupart des contributions sur la notion de Booth dans le contexte de la théorie de l’interprétation réside dans le postulat – formulé généralement de façon non explicite – que la querelle sur des formes concurrentes d’interprétation de textes littéraires peut être réglée de façon empirique, pour ainsi dire. Certes, les commentaires sur l’auteur implicite en relation avec la théorie de l’interprétation se consacrent parfois aussi à la question de la cohérence interne des développements de Booth. Pourtant la question de savoir si la signification et la réception des œuvres est convenablement traitée apparaîtra toujours dans les réflexions comme un élément décisif dans l’évaluation de la notion. Dans aucune des contributions n’est évoquée la possibilité d’évaluer la notion non pas en raison de sa pertinence sur le plan empirique, mais selon son utilité pragmatique dans des contextes spécifiques27.

2.2. La réception dans le contexte de l’interprétation et de la description

Après 1970 est survenu un bouleversement radical dans les controverses à propos de la notion d’auteur implicite. L’essor du structuralisme dans les études de philologie en Europe et en Amérique du Nord dans les années 1960 constituait l’arrière plan d’un changement d’orientation dans la discussion allant de pair avec une distanciation vis-à-vis du problème de l’interprétation et une renaissance du projet poïétique28. C’est dans le domaine du débat scientifique à propos des textes narratifs que cette évolution s’est répercutée avec le plus de force : si, dans les décennies précédentes, les sciences littéraires s’étaient concentrées sur les différents types et aspects du récit avant tout parce que cela servait la cause de l’interprétation de textes et de l’historiographie littéraire, il est apparu au cours de la période structuraliste une forme de recherche sur le récit pour laquelle il ne s’agissait pas de contribuer à l’interprétation de textes narratifs isolés, mais de reconstruire des caractéristiques fondamentales des récits.
Depuis les années 1970, l’idée d’une telle théorie du récit constitue le cadre dont sont issues la plupart des discussions sur les concepts et les formes mis en relation avec les textes narratifs. Même la discussion à propos de Rhetoric of Fiction est, depuis lors, dominée par la question de savoir si et le cas échéant comment les notions centrales de son étude peuvent être intégrées à une poétique de la littérature narrative – et cela bien que Booth ait attiré l’attention à plusieurs reprises sur le fait qu’il ne fallait pas considérer sa monographie de 1961 comme une contribution à la narratologie et sa notion d’auteur implicite comme un concept narratologique29. Les commentaires formulés à propos de l’auteur implicite avec en arrière plan la question de la compatibilité entre le programme rhétorique de Booth et le projet narratologique sont nombreux et se distinguent très nettement les uns des autres. Si l’on considère cependant la conception de la théorie narrative qui constitue le fondement de ces commentaires et la façon dont est régi le rapport entre narratologie et interprétation de texte, il est possible de dégager deux types fondamentaux de réception de l’auteur implicite au sein de la discussion de la notion dans la critique interprétative (A), et dans la description textuelle (B)30.

A. La réception dans le contexte de la critique interprétative

Certes, les représentants de ce type de réception considèrent la notion d’auteur implicite dans le contexte de l’interprétation des textes, mais ils ne la considèrent et ne la jugent pas comme un élément d’une méthode d’interprétation déterminée. L’idée générale découlant de cette école de pensée réside dans la supposition qu’il n’est pas possible de lire et d’interpréter convenablement des textes en se privant de la dimension de l’auteur implicite. De ce fait, les contributions émanant de ce type de réception renoncent presque sans exception à la tentative de discuter ou d’évaluer la notion en la comparant à des théories concurrentes du sens et de l’interprétation de textes littéraires. En règle générale, ils se limitent dans leurs commentaires à la discussion de la question de savoir quelles sont les fonctions exactes qui relèvent de l’auteur implicite dans le processus interprétatif.
Pour simplifier : en arrière-plan du débat sur la critique interprétative à propos de l’auteur implicite, il y a la tentative d’étendre à une théorie de la réception le projet structuraliste en théorie littéraire et narrative. C’est du fait de cet objectif programmatique que s’explique l’absence de distinction entre la réception et l’interprétation scientifique des œuvres littéraires dans les contributions relatives à l’historique de la controverse. Les représentants de ce type de réception cherchent à éclaircir l’utilité du concept de Booth dans des recherches où il en va toujours en même temps de la reconstruction de processus de lecture sur la base d’une typologie idéale et de la modélisation des instruments de l’analyse textuelle. C’est également dans cette orientation de la critique interprétative de la réception que réside la justification du fait que ses représentants ne justifient pas véritablement le statut de la catégorie de l’auteur implicite. Bien que les partisans de ce type de discussion ne considèrent habituellement pas que cela ait un sens de distinguer entre références descriptives et références interprétatives dans les œuvres littéraires, ils sont convaincus que l’auteur implicite se prête bien à l’établissement d’une passerelle entre la simple description d’un texte et une interprétation riche en présupposés. Dans un article paru en 2001 dans Poetics Today, David Darby a résumé cette conception par la formule suivante : « Je maintiens que cette intelligence implicite occupe précisément le lieu, dans le processus de communication narrative, où peut se produire une interaction entre considérations contextuelles et analyse formelle. »31
Dans le contexte de la critique interprétative, l’auteur implicite a recueilli un écho presque unanimement positif. Cette approbation du concept de Booth se fonde, comme il a déjà été suggéré, sur la conviction partagée par la quasi totalité des représentants de ce type de réception de la critique interprétative qu’il est possible de décrire le processus de la communication littéraire seulement en ayant recours au paramètre constitué par l’auteur implicite. La plupart des tenants de la critique interprétative pensent que l’adoption du concept se recommande avant tout par deux aspects inhérents au processus de communication littéraire auxquels il faut prêter attention, en particulier lors de la reconstruction du contenu des textes.
D’une part, les représentants de ce type de réception considèrent comme positive l’introduction de la notion d’auteur implicite dans la mesure où elle conçoit les textes littéraires comme « communication communiquée » au sens de Dieter Janik32, partant du fait que l’idéologie d’une œuvre ne se recoupe pas nécessairement avec les convictions de son narrateur ou de l’un de ses personnages. C’est dans ce contexte que Wilhelmus J.M. Bronzwaer affirme qu’ « [i]l nous faut une instance qui fasse exister le narrateur extradiégétique, qui assure la responsabilité de son existence comme lui-même assure celle de la diégèse, et qui nous fournisse le code métalinguistique dans lequel nous pouvons discuter de ce narrateur. »33 Pour justifier cette argumentation, les représentants de ce type de réception renvoient à une variété de la communication narrative désignée, depuis Rhetoric of Fiction, comme « narration non fiable » (unreliable narration), c’est-à-dire à des récits qui sont présentés par des instances narratives douteuses du point de vue normatif ou mimétique et qui mettent en évidence de façon exemplaire qu’il peut être nécessaire d’ « aller au-delà de la sensibilité du narrateur pour atteindre une explication juste du sens du roman. »34
D’autre part, l’adoption d’un auteur implicite est recommandée par les représentants de la critique interprétative de la réception parce qu’ils estiment que l’idéologie d’un auteur ne peut être inférée à partir simplement de l’axiologie d’une œuvre. Chatman résume cette position comme suit : « Poser l’existence d’un auteur implicite nous débarrasse de l’hypothèse trop hâtive selon laquelle le texte de fiction donnerait au lecteur un accès direct aux intentions et à l’idéologie de l’auteur réel. »35
Bien sûr, la discussion de la notion en relation avec la critique interprétative va habituellement au-delà des paraphrases plus ou moins libres des explications de l’auteur implicite par Booth. Bien que les représentants de ce type de réception s’efforcent de défendre la notion, ils n’en tiennent pas moins pour problématique la manière dont elle est introduite et utilisée dans Rhetoric of Fiction, et ceci pour toute une série de raisons. Ce sont avant tout deux aspects des explications de l’auteur implicite par Booth qui font l’objet de cette critique : les indications qu’il donne à propos de la définition de la notion (a), et la façon dont il caractérise le rôle de la notion au sein de la communication littéraire (b).
(a) Les représentants de ce type de réception issu de la critique interprétative s’entendent sur le fait que Booth n’a présenté aucune définition convaincante de l’auteur implicite dans Rhetoric of Fiction et que ses indications éparses ne compensent pas le manque d’une définition de son explication. En faisant abstraction des variations de détail, les tentatives pour arriver à une définition plus précise se classent en deux groupes.
D’après les estimations d’un petit nombre d’auteurs discutant de la critique interprétative du concept, l’auteur implicite d’une œuvre coïncide avec les valeurs et les normes de cette œuvre. Rimmon-Kenan est sûrement l’avocate la plus connue d’une telle explication de la notion clé de Rhetoric of Fiction. Cette tendance s’esquisse déjà dans sa discussion très remarquée du « Discours du récit » de Gérard Genette : « Sans auteur implicite, il est difficile d’analyser les “normes” du texte. »36 Et dans son livre, Narrative Fiction, elle avance la proposition suivante : « Selon moi, […] la notion d’auteur implicite […] se conçoit mieux comme un ensemble de normes implicites. »37 Une compréhension affinée correspondante du concept chez Booth de la « narration non fiable » a trouvé dans la discussion un certain écho. Pourtant, la proposition ultérieure de définir l’auteur implicite en surplomb de l’ensemble des normes textuelles n’a rencontré que peu de réactions encourageantes. Là aussi, la raison pourrait être que l’idée d’une telle explication de la notion n’a jusqu’à présent pas été élaborée sous une forme nuancée : ce qu’il faut précisément entendre par valeurs et normes textuelles et par quelles voies on peut les explorer n’est pas expliqué plus avant dans la controverse visant à déterminer le concept de manière adéquate. Mais la raison déterminante du succès limité de la proposition consiste en ce qu’il tranche en faveur d’une des nombreuses définitions de l’auteur implicite et qu’il ôte par là même au concept ce qui le rend justement si attirant aux yeux des représentants du type de réception selon la critique interprétative : la multiplicité des aspects qu’il recouvre.
La plupart des contributions à une réception de la notion fondée sur la critique interprétative n’essaient de ce fait pas d’en préciser non plus la définition en mettant en valeur l’un des aspects de sa mise en pratique. Leur objectif consiste en une explication de la notion qui préserve la totalité du spectre de ses définitions. En règle générale, les représentants de cette école se rattachent à quelques paragraphes de Rhetoric of Fiction dans lesquels Booth dessine une sorte de panorama de ses différentes caractérisations de l’auteur implicite, proposant de définir le concept comme l’ensemble des éléments d’un texte et la stratégie inhérente à leur sélection et à leur agencement. L’ordonnance normative d’une œuvre n’est par conséquent qu’un aspect parmi d’autres qu’il s’agit de prendre en compte en définissant son auteur implicite. À la suite de cette proposition d’explication, la catégorie de Booth doit donc être comprise comme une instance d’attribution intrinsèque à un texte pour sa conception : « la sensibilité sous-jacente du récit qui explique sa construction. »38 Dans la même acception du concept, Chatman propose la définition suivante : « La source de toute la structure de signification d’un texte – non seulement celle de l’assertion et de la dénotation, mais aussi celle de son implication, sa connotation son réseau idéologique – constitue l’auteur implicite. »39 Même si des tentatives comparables pour expliquer l’auteur implicite dans sa réception selon la critique interprétative sont réellement répandues, elles ne contribuent pas beaucoup à éclairer le concept. En même temps que les différentes facettes de la signification de la notion, ces formulations conservent le caractère embrouillé des remarques de Booth sur l’auteur implicite. Les représentants de la variante explicative comprennent la notion sous des aspects multiples comme un concept à la fois syntaxique, sémantique et pragmatique ; ils définissent l’auteur implicite comme structure textuelle, comme stratégie intrinsèque à la structure textuelle et comme instance communicationnelle à rattacher à cette stratégie. Chatman par exemple explique dans Coming to Terms la notion de Booth comme « le texte lui-même », puis comme « intention textuelle » et enfin comme « instance au sein du récit de fiction qui guide toute lecture de ce récit. »40 Dans la mesure où les explications de cette forme ne dissipent à l’évidence pas le flou de la notion, on ne s’étonnera pas qu’elles renoncent en général à indiquer plus précisément comment on peut reconstituer l’auteur implicite d’un texte littéraire.
(b) Les représentants de la critique interprétative considèrent que la définition de l’auteur implicite n’est pas seule à nécessiter une explication, mais que c’est aussi le cas de sa place au sein de la communication littéraire. Certes, ils soulignent dans des termes élogieux qu’en introduisant ce concept, Booth a introduit l’idée d’une étude des œuvres littéraires selon une théorie de la communication ; ils sont toutefois persuadés que dans ses interprétations de différents romans, il ne rend pas vraiment justice à un programme d’analyse textuelle qu’il a lui même initié. Ils sont unanimement d’avis que Booth fonde ses réflexions sur une représentation insuffisamment complexe de la signification et de l’interprétation des œuvres littéraires, car il ne prend pas suffisamment en considération l’importance du lecteur dans ses réflexions41. Cette conviction a donné lieu à de nombreuses tentatives pour parvenir à une caractérisation plus précise de la communication littéraire et de la signification qui revient en son sein à l’auteur implicite que dans Rhetoric of Fiction. Il convient de distinguer sur ce point deux types de prises de position.
Un certain nombre des tenants de la critique interprétative tente de poursuivre les réflexions de Booth par la modélisation des œuvres littéraires et de leur réception en fonction du processus de communication avec plusieurs niveaux d’émetteur-récepteur. Les modèles proposés, qui émanent pour la plupart de textes narratifs, s’écartent souvent les uns des autres dans le détail – par exemple, lorsqu’il s’agit de savoir quels niveaux de communication il convient de distinguer, comment définir les relations entre les degrés et les instances, si les niveaux de communication adoptés doivent être classés comme obligatoires ou comme optionnels, etc.42 Cependant, dans la plupart des modèles communicationnels, il y a accord pour partir du fait que l’auteur implicite est à comprendre comme le locuteur interne au texte déterminant qui s’adresse à un lecteur implicite. En d’autres termes, les représentants des modèles communicationnels traditionnels considèrent l’auteur implicite comme l’initiateur d’un texte. Selon eux, le concept de Booth représente la « voix » qui produit un texte et qui chapeaute par conséquent tous les autres locuteurs d’un texte. Dans ses remarques sur le concept de focalisation chez Mieke Bal, Bronzwear exprime de façon exemplaire cette vision de l’auteur implicite, définissant le concept de Booth comme « instance dotée de pouvoirs linguistiques »43 et affirmant au sujet du processus de communication littéraire que « [l]a relation entre narrateur et personnage […] trouve son équivalent entre auteur et narrateur. »44
Au cours des dernières décennies, de nombreuses objections de fond se sont élevées en théorie littéraire contre les tentatives de considérer les textes du point de vue du processus de communication, et c’est dans ce contexte avant tout que le recours aux catégories d’auteur implicite et de lecteur implicite a fait l’objet de critiques45. Même dans les discussions sur le concept de Booth liées à la critique interprétative, les modèles de communication traditionnels font de plus en plus l’objet de réserves ; la critique ne vise pas les modèles en bloc ou dans leur référence à l’auteur implicite, mais concerne plutôt le rôle concret attribué par ces modèles au concept dans la communication littéraire. Ceux qui défendent cette position voient dans l’interprétation de l’auteur implicite comme instance émettrice au sein du processus de communication un « piège anthropomorphique, »46 stipulant sur cette base qu’ « il faut que la notion d’auteur implicite soit dé-personnifiée. »47 Selon eux, l’auteur implicite ne dispose pas d’une « voix » au sens où l’entend la narratologie, et par conséquent sur le plan des catégories il faudrait le distinguer des autres locuteurs qui interviennent dans les œuvres littéraires. Chatman par exemple constate : « Contrairement au narrateur, l’auteur implicite ne peut rien nous dire. C’est une instance qui n’a ni voix, ni moyen direct de communication. Elle nous instruit en silence, grâce à la structure de l’ensemble de l’œuvre, à toutes les voix, à tous les moyens par lesquels elle a choisi de nous informer. »48 Pour les raisons énoncées, un nombre croissant de récepteurs de la notion selon le modèle de la critique interprétative est convaincu qu’il ne faut pas comprendre l’auteur implicite comme une instance pragmatique de communication, mais comme un concept sémantique – une construction ébauchée par le lecteur dans la foulée de la réception d’un texte. Dans sa réflexion critique sur le concept de Booth, Rimmon-Kenan parvient à la conclusion suivante : « l’auteur implicite doit être vu comme une construction inférée par le lecteur à partir de toutes les composantes du texte. [I]l ne saurait participer littéralement à la situation de communication narrative. »49 C’est vraisemblablement Michael J. Toolan qui a formulé avec la plus grande acuité cette proposition d’explication de la notion dans son ouvrage Narrative: A Critical Linguistic Introduction : « L’auteur implicite occupe une position effective dans le traitement narratif – une construction du récepteur – mais il ne joue aucun rôle nécessaire dans la transmission narrative. »50
La proposition consistant à définir l’auteur implicite comme inférencedu récepteur et non comme instance de communication a recueilli depuis lors une large approbation dans la discussion de la critique interprétative. Les représentants de ce type de réception sont toutefois encore loin d’avoir abouti à un consensus, car ils ont des idées extrêmement différentes des conclusions auxquelles aboutit le récepteur concernant l’auteur d’un texte. La majorité de ceux qui soutiennent cette thèse conçoit la construction d’un auteur implicite comme une inférence qui s’appuie exclusivement sur l’œuvre en question et ses propriétés. Dans cette perspective, Fodis Jannidis par exemple propose de définir le concept comme « la construction par le lecteur d’un auteur, c’est-à-dire de son intention, de ses caractéristiques, etc., sur la base d’un texte déterminé. »51 À côté d’une position se rattachant aussi étroitement à Booth, la conception commence à s’imposer depuis un certain temps dans le contexte de la critique interprétative selon laquelle l’inférence portant sur l’auteur d’une œuvre serait plus prometteuse que l’idée de la construction de l’auteur basée uniquement sur le texte. Selon ce point de vue, le récepteur qui détermine l’auteur implicite d’un texte se réfère toujours également – explicitement ou implicitement – à différents contextes, par exemple au savoir linguistique et culturel de l’époque à laquelle a été conçue chaque œuvre littéraire analysée. Darby par exemple observe dans l’essai déjà mentionné sur l’histoire de la théorie narrative : « en soi, un auteur implicite est le produit de négociations entre les royaumes intratextuels et extratextuels. »52 Sandra Heinen s’est encore éloignée davantage de la conception selon laquelle il convient de définir l’auteur implicite uniquement comme une inférence reposant sur un texte donné. Dans un article paru en 2002 dans la revue Sprachkunst, elle propose de comprendre la notion d’auteur implicite comme l’ « image » d’un auteur que se font les récepteurs lorsqu’ils lisent un ou plusieurs de ses textes en tenant compte de toutes les informations disponibles à son sujet53.
Tandis que, comme on l’a vu, ont cours dans le contexte de la discussion selon la critique interprétative des conceptions divergentes de ce que devrait être une explication plus précise de la catégorie d’auteur implicite, les représentants de ce type de réception sont largement d’accord pour trouver que les expressions suggérées par Booth pour la dénomination du concept – « auteur implicite » ou « deuxième moi » de l’auteur – ne sont pas particulièrement heureuses. Pour cette raison, les contributions de cette école visant à clarifier la notion se concluent généralement par la proposition d’ordre terminologique consistant à parler d’ « auteur inféré » au lieu d’ « auteur implicite. »54

B.  La réception dans le contexte de la description

Dans la narratologie des années 70 et 80, une autre forme centrale de la discussion critique sur l’auteur implicite s’est imposée selon un autre mode que celui de la critique interprétative : la réception dans le cadre de la discussion sur les concepts et les modèles appropriés à la description des textes.
Les représentants de ce type de réception ont en commun avec le type précédent qu’il n’est pas prioritaire à leurs yeux de développer leur propre théorie de l’interprétation ou de porter un jugement sur une théorie existante. Eux aussi ont pour objectif de construire une poétique structuraliste en prenant des textes narratifs comme fil conducteur, et c’est pour cette raison qu’ils s’interrogent presque exclusivement sur la question de savoir si la notion de Booth a sa place au sein de la théorie littéraire et avant tout dans le genre narratif. Dans quelques cas seulement une discussion est entreprise qui fait suite à un examen critique de fond du concept d’auteur implicite55. La différence décisive entre la réception dans le contexte de la description et dans celui de la critique interprétative réside dans les conceptions de la narratologie qui leur sont respectivement afférentes. Les conceptions des représentants de chaque type de réception se distinguent avant tout au regard de la question du rôle qui devrait échoir à la théorie de la littérature et narrative dans le cadre de l’interprétation textuelle.
Comme nous l’avons vu, les représentants du premier type de réception refusent de comprendre la narratologie comme discipline auxiliaire de l’interprétation des textes. Dans le même temps, ils cherchent dans leurs écrits à illustrer, et par là même à éclaircir, le processus de la lecture au moyen de la théorie du récit. Dans le contexte de la description, la discussion critique de l’auteur implicite se fonde sur la conviction selon laquelle on ne devrait pas considérer la narratologie comme une théorie de l’interprétation mais comme un instrument de description des textes. Par description, on entend une forme de relation à la littérature qui ne s’intéresse pas à l’interprétation globale de textes pris isolément mais à la définition de leur structures fondamentales.
L’esquisse la plus connue du programme à l’arrière-plan de la discussion critique sur l’auteur implicite se trouve dans les avant-propos et les postfaces de « Discours du récit » et de Nouveau discours du récit de Gérard Genette. Dans « Discours du récit », Genette écrit que l’instrument narratologique qu’il a mis au point en examinant la Recherche de Proust doit être compris comme une « méthode d’analyse, »56 « une procédure de découverte et un moyen de description. »57
L’idée d’une théorie du récit axée sur la description a été développée de manière plus détaillée et plus convaincante par Mieke Bal. Elle plaide pour que l’on conçoive la narratologie comme un outil descriptif, voyant dans la description des textes non seulement la possibilité d’éviter l’interprétation, mais aussi celle de lui ouvrir la voie et de l’améliorer. Selon elle, c’est précisément si l’on comprend la narratologie comme un langage descriptif et non comme une méthode d’interprétation qu’elle peut apporter une contribution à l’interprétation des textes. Dans la préface à son ouvrage, Narratology. Introduction to the Theory of the Narrative, elle explique cette idée de la façon suivante :

Conçue comme un ensemble d’outils, un moyen d’exprimer et de spécifier les interprétations d’un texte, la théorie présentée ici [est] conçue ainsi, car l’interprétation, si elle n’est pas entièrement arbitraire puisqu’elle existe ou devrait exister en situation d’interaction avec un texte, est en pratique libre et sans limite. C’est pourquoi le besoin se fait sentir d’un discours qui rende chaque interprétation exprimable, accessible et communicable. […] les outils proposés peuvent être d’usages divers. J’ai moi-même utilisé cette théorie dans l’élaboration d’une critique esthétique et d’une critique politique. [...] D’où le besoin de plus de théorie, au-delà de la narratologie, d’une théorie qui rende compte des fonctions et positions de textes provenant d’environnements, de genres et de périodes historiques différents. […]
Nul besoin d’adhérer au structuralisme en tant que philosophie pour pouvoir utiliser les concepts et les positions exprimés dans ce livre. De même, l’adhésion à des lectures par exemple déconstructionnistes, marxistes ou féministes de la littérature n’en interdit-elle aucunement l’usage58.

Comme la plupart des tenants d’une théorie du récit axée sur la description, Bal est convaincue qu’il convient d’envisager la description narratologique d’un texte comme la condition et le moteur de la définition interprétative de sa signification :

Une interprétation n’est jamais rien de plus qu’une proposition. […] Pour être acceptée, une proposition doit être solidement fondée. […] Si une proposition se fonde sur une description précise, elle peut être discutée. La théorie ici présentée se veut un instrument pour ouvrir les descriptions, et donc les interprétations, à la discussion59.

Dans la narratologie descriptive, la notion d’auteur implicite a fait l’objet d’un rejet unanime. Les différentes objections formulées par les tenants de ce type de réception à l’encontre du concept ne sont pas toujours de nature fondamentale. En fait, on met en avant que la notion introduite par Booth ne constitue qu’une catégorie d’interprétation et qu’il n’y a donc pas de place pour l’auteur implicite dans une narratologie conçue comme outil descriptif et auxiliaire de la découverte de textes narratifs.              
Les représentants de ce type de réception renoncent à motiver en détail leur jugement sur l’auteur implicite, la plupart d’entre eux considérant qu’à l’évidence le concept de Booth ne relève pas de la narratologie60. Genette par exemple n’en vient à parler de l’auteur implicite dans Nouveau discours qu’en raison de la critique occasionnée par son dédain affiché dans « Discours »61. Il est hors de question pour lui que la notion soit un concept de la théorie du récit. Dans la perspective narratologique, sa position se limite à la proposition visant « à exclure du champ narratologique non seulement l’auteur réel, mais aussi l’auteur “impliqué”, ou plus exactement la question […] de son existence, [car] la narratologie n’a pas à aller au-delà de l’instance narrative, et les instances de l’implied author et de l’implied reader se situent clairement dans cet au-delà. »62
On ne trouve une discussion critique plus nuancée de la notion de Booth que chez deux adeptes du programme d’une narratologie descriptive : Mieke Bal et Nilli Diengott. Dans le débat initié par sa tentative de développer la théorie de la focalisation de Genette, Bal avait déjà défendu la conception selon laquelle, puisque l’auteur implicite d’une œuvre caractérise un ordre normatif, on ne l’appréhende pas par la description du texte visé, mais seulement par son interprétation. Afin d’éviter des confusions, il vaudrait mieux, selon elle, renoncer à la dénomination d’auteur implicite ; il serait plus approprié de « parler de l’interprétation, de la signification globale du texte. »63 Dans son ouvrage Narratology, Bal a une nouvelle fois tenté d’expliquer la raison pour laquelle il ne convient pas à son gré de comprendre le concept de Booth comme une notion de la théorie du récit. On ne peut pas définir la dimension d’auteur implicite sur le mode de la description ni la reconstituer seulement dans le cas de textes narratifs :

C’est Booth qui a inauguré ce terme […] afin de pouvoir discuter et analyser les prises de position morales et idéologiques d’un texte sans avoir à recourir directement à l’auteur biographique. […] Booth entend le terme comme dénotant la totalité des significations que l’on peut inférer d’un texte. Ainsi l’auteur implicite est-il le résultat d’une enquête sur la signification d’un texte, et non pas la source de cette signification. Ce n’est qu’après l’interprétation d’un texte, fondée sur la description, que l’auteur implicite peut être inféré et discuté.
Qui plus est, la notion d’auteur implicite ainsi conçue ne se limite pas aux textes narratifs, mais s’applique à tout type de texte. C’est pourquoi cette notion n’est pas spécifique à la narratologie […]64.

C’est néanmoins Diengott qui, dans un article datant de 1993, a avancé les considérations les plus détaillées sur le statut épistémologique de la notion de Booth. Ses remarques sur l’auteur implicite reposent également sur la conception selon laquelle il ne convient pas de comprendre la narratologie comme méthode ou comme science auxiliaire de l’interprétation des textes. Partant des réflexions de Benjamin Hrushovski sur la classification au sein de la théorie de la littérature, elle conçoit la théorie du récit comme une subdivision de la poétique systématique65. Ce qui a stimulé la réflexion critique de Diengott sur le concept d’auteur implicite, alors que dans ses premiers travaux elle se faisait encore scrupule d’y recourir, c’est d’observer le désaccord régnant dans la recherche sur la manière dont il convient de traiter la notion : « l’auteur implicite est discuté brièvement dans certaines poétiques, totalement négligé dans d’autres, mais se retrouve dans les interprétations sous la non fiabilité narratoriale. »66 La raison de ces dissensions tient selon Diengott à la méconnaissance du statut théorique spécifique de la catégorie de Booth. À la différence des concepts de « fable » et de « sujet », il ne faut pas considérer l’auteur implicite comme élément constitutif d’un modèle textuel descriptif. Il s’agit dans la conception de Booth, tout comme dans les catégories de « motivation » et de « thème », de dimensions exigeantes sur le plan sémantique que l’on ne peut préciser que sur le plan interprétatif :

Les trois concepts n’appartiennent ni à une poétique du récit ni à l’interprétation, mais à une poétique (une théorie) de l’interprétation, c’est-à-dire à la thématique – un domaine qui commence seulement maintenant à faire l’objet de tentatives de systématisation. Le statut incertain de ces concepts dans l’emploi critique actuel est le résultat d’un côté de leur appartenance à un domaine théorique (mais non à la poétique narrative), et d’autre côté du fait qu’ils sont intimement liés à l’activité (sémantique) productrice de sens qui est le propre de l’interprétation67.

 

3. Proposition d’explication de la notion

Ayant survolé les débats des quarante dernières années autour de l’auteur implicite, je vais maintenant élaborer une proposition sur la manière dont on devrait traiter à l’avenir la notion de Booth dans les différents contextes du problème. En toile de fond de cette proposition, il y a l’hypothèse qui s’est révélée fondamentale pour le traitement de la notion, tant dans le contexte de la description que dans celui de l’interprétation – hypothèse selon laquelle il faut rattacher l’auteur implicite non au domaine de la description mais à l’interprétation des textes68.
À partir de cette hypothèse, on ne peut certes trouver un ancrage à l’explicitation du concept que si les opérations de description et d’interprétation des textes sont plus clairement définies et délimitées que cela n’a été le cas jusqu’à présent dans les discussions critiques sur l’auteur implicite. Ici, il suffira de donner quelques indications très générales sur cette question.
Pour expliquer la différence entre la référence interprétative et la référence descriptive à un texte, il est tout d’abord pertinent d’avoir présent à l’esprit que les interprétations, dans la mesure où elles visent à la rigueur scientifique, sont déterminées de façon explicite ou implicite par des théories constituées pour l’essentiel de deux composantes : à partir d’un type de signification recherchée établi de manière définitoire (« conception sémantique ») et à partir d’une foule d’hypothèses et de règles pour procéder à sa reconstruction (« conception interprétative » ou « méthodologie »)69. Il ne faut pas comprendre en l’occurrence le choix d’une conception sémantique comme une démarche pour laquelle on peut fournir des justifications ultimes, mais comme une décision relevant des objectifs et des valeurs de chaque interprète, des idées qu’il se fait de l’art, de la structure du langage, des tâches dévolues au savoir, etc.70 Le choix d’une conception sémantique étayée par des normes spécifiques se traduit par une sorte de directive pour la modélisation de la conception interprétative, mais il ne prédétermine pas la mise en forme de cette modélisation dans le détail. Sur la base de ces indications concernant la structure des théories interprétatives, il n’y a plus désormais de grandes difficultés à délimiter les notions se rapportant à la description et celles se rapportant à l’interprétation : les premières suffisent à répondre à l’exigence de « neutralité dans la théorie interprétative », autrement dit, leur utilisation ne présuppose pas que l’on se décide en faveur d’une conception sémantique spécifique ou d’une méthode particulière d’interprétation71.
On peut esquisser la proposition annoncée pour se servir à l’avenir de l’auteur implicite dans les contextes de la description et de l’interprétation des textes comme suit : dans le contexte de la description, il faut renoncer à l’auteur implicite et à des concepts comparables. Dans ce cas, on peut utiliser les outils de description des textes, comme par exemple la narratologie descriptive, dans leur fonction heuristique pour l’analyse des différentes orientations de l’interprétation72.
Il est incomparablement plus difficile de formuler une recommandation en ce qui concerne l’utilisation de la notion de Booth dans le contexte interprétatif. Dans ce cas, la proposition ne peut se limiter à adopter ou à rejeter l’estimation des utilisateurs de la notion, car les discussions critiques sur l’auteur implicite dans le contexte interprétatif reposent sur une compréhension problématique de l’édification de théories du sens et de l’interprétation des textes littéraires. Ceci vaut pour la discussion de la notion selon la théorie interprétative ainsi que pour la critique interprétative. Pour des raisons de place, on n’expliquera finalement que la seconde méthode de réception. La notion d’auteur implicite ne semble jouir d’une telle faveur dans le contexte de ce type de réception qu’en raison de sa remarquable capacité à rendre invisible le passage de la description à l’interprétation. La plupart des représentants de ce type de réception sont apparemment d’avis que grâce à ce concept, on peut développer sans discontinuité l’interprétation d’un texte à partir de sa description, sans avoir à choisir une conception sémantique et à motiver son choix. C’est particulièrement patent du fait que ce type de réception comprend certes l’auteur implicite comme objectif d’interprétation, mais qu’elle lui assigne également un rôle particulier dans les objectifs multiformes de l’interprétation. La notion de Booth est conçue par les tenants du type de réception à la fois comme fondement et comme résultat de l’interprétation des œuvres littéraires, et la reconstruction de l’auteur implicite a valeur de prémisse et de résultat de la contextualisation d’un texte72.
En ce qui concerne l’emploi du concept de Booth dans le contexte interprétatif, il résulte de cette situation l’exigence de déterminer la notion comme composante d’une théorie de l’interprétation. En expliquant la notion, il faudrait également préciser, outre une définition de la notion, la conception sémantique et la méthodologie interprétative censées présider à la détermination de l’auteur implicite d’une œuvre. On dispose de deux possibilités pour répondre à cette exigence.
D’une part, on peut expliciter l’auteur implicite comme notion propre à une théorie de l’interprétation intentionnaliste. Cette proposition impose aux utilisateurs de la notion un concept sémantique intentionnaliste, mais pas en revanche une méthode d’interprétation particulière, un arsenal justificatif, des hypothèses esthétiques concrètes, etc. Lorsqu’on se décide pour des composantes de la théorie de l’interprétation, on pourrait prendre en considération d’autres intuitions liées à la notion d’auteur implicite, par exemple en posant l’exigence méthodologique de privilégier, lors de l’interprétation, des informations internes au texte sur des informations externes. Une tentative de clarification de ce genre donne sens au terme d’auteur tout court au lieu de la notion d’auteur implicite.
D’autre part, on peut expliciter la notion d’auteur implicite comme élément constitutif d’une théorie de l’interprétation non intentionnaliste. Dans ce cas également, les adeptes d’une proposition de clarification devraient indiquer, ne serait-ce que dans les grandes lignes, à quoi ressembleraient la conception sémantique et la méthodologie d’une telle méthode d’interprétation. Il faudrait expliquer par exemple à l’aide de quel lexique on devrait rechercher la signification des éléments du texte et à l’horizon de quelles hypothèses régulatrices on devrait franchir le pas menant de la description des structures du texte à la définition de l’intention du texte. En d’autres termes, il faudrait que les représentants de cette méthode d’explication de la notion précisent comment des méthodes d’interprétation non intentionnalistes gouvernent les attributs sémantiques d’un texte et comment elles se distinguent sur cette question des méthodes d’interprétation intentionnalistes74. Pour une telle clarification, il paraît souhaitable de choisir pour ce concept une expression qui induit moins la confusion que celle d’auteur implicite avec une théorie de l’interprétation intentionnaliste, en optant plutôt pour une interprétation historique d’une façon structuraliste.

Traduit par Thierry Grass et Sylvie Le Moël
Citations anglaises traduites par Nelly Valtat-Comet

 

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1* Cet article présente les résultats d’une étude plus large : Tom Kindt et Hans-Harald Müller, The Implied Author. Concept and Controversy, Narratologia 9, Berlin et New York, de Gruyter, 2006.
Booth (1952, 164).

2 Voir par exemple Kindt / Müller (1999), Lanser (2001), Nünning (2001), Darby (2001), Jannidis (2002), Heinen (2002), Phelan (2005), Booth (2005).

3 Voir pour la façon de procéder au niveau de la conception, voir Danneberg (1989), et de façon exemplaire Kindt / Müller (1999).

4 La 2e édition date de 1983 et contient un « Afterword » (401-455) et une « Supplementary Bibliography » (495-520).

5 Sur l’école critique de Chicago, voir en premier lieu Shereen (1988) et Schneider (1994).

6 Crane (1935).

7 Cf. McKeon (1937).

8 Booth (1983b, xiii).

9 Voir par exemple Booth (1988) et (1998b).

10 Booth (1995, 284). À ce propos, voir aussi Booth (1998a).

11 Booth (1983a, 137).

12 Booth (1977, 85).

13 Sur la Nouvelle critique américaine, voir Wenzel (2001).

14 Booth (1977, 84 sq.).

15 Booth (1974, 11).

16 Shereen (1988, 40).

17 Voir à ce sujet Tillotson (1965). Dans cet article, Tillotson fustige comme manifestation d’étroitesse d’esprit l’espoir de nombreux auteurs modernes de voir le texte narratif rester à l’écart de toutes les implications rhétoriques de son refus de personnifier le narrateur : « [N]ous sommes dirigés à tout moment par la sélection, l’insistance et le ton. ‘Invisible’ sur le plan technique, l’auteur est un annonceur subliminal, un adepte de la persuasion insidieuse » (ibid., 7). Reprenant une formule d’Edward Dowden, Tillotson qualifie ce hidden pursuader (adepte de la persuasion insidieuse) de « deuxième moi » de l’auteur.

18 Booth (1983b, 70-71).

19 Ibid., 71.

20 Booth (1998b, 377).

21 Booth (1982, 20).

22 Booth (1983b, 71).

23 Voir en particulier à ce propos ibid., 405, ainsi que Booth (1997, 52).

24 Lettre de Wayne C. Booth adressée à Tom Kindt et à Hans-Harald Müller datant du 25 octobre 2001 (mon italique).

25 Pour les différents types de textes littéraires du point de vue de la signification, cf. Strube (2003).

26 Ce qui ne vaut pas pour de nombreux commentaires relatifs à la critique interprétative concernant l’auteur implicite.

27 Les textes qui se rapportent à ce type de réception sont par exemple ceux de Killham (1966), de Blaim / Gruszewska (1994), de Juhl (1980) et de Rabinowitz (1987).

28 Voir à ce sujet dans un cadre général Dosse (1991-92) ; pour le contexte anglo-américain, voir Culler (1975) et toujours Scholes (1974).

29 Voir par exemple Booth (1983b, 404).

30 Pour les différents modèles des rapports entre la théorie narrative et la théorie de l’interprétation, voir Kindt / Müller (2003a).

31 Darby (2001, 838). Sur les remarques de Darby, voir Kindt / Müller (2003b).

32 Cf. Janik (1973, 12).

33 Bronzwaer (1978, 3).

34 Abbott (2002, 77). À ce propos, voir aussi Kindt (2005).

35 Chatman (1990, 76).

36 Rimmon (1976, 58).

37 Rimmon-Kenan (2002, 88).

38 Abbott (2002, 77).

39 Chatman (1990, 75).

40 Ibid., 74, 81 et 104.

41 Voir notamment à ce sujet Martin (1986, 153).

42 Rappelons ici à titre d’exemple les modèles communicationnels de Martin (ibid., 154) et de Chatman (1978, 151).

43 Bronzwaer (1981, 194).

44 Ibid., 200.

45 Cf. notamment à ce sujet Nünning (1993, 8-9) et Nünning (2001, 373).

46 Chatman (1990, 88).

47 Rimmon-Kenan (2002, 88).

48 Chatman (1978, 148).

49 Rimmon-Kenan (2002, 85 et 88).

50 Toolan (2001, 66).

51 Jannidis (2002, 548).

52 Darby (2001).

53 Heinen (2002, 337).

54 Cf. par exemple Rimmon-Kenan (2002, 87), Toolan (2001, 66), Chatman (1990, 77) ou encore Abbott (2002, 77).

55 Il n’est pas possible de rentrer ici dans le détail de ces tentatives. Il convient de citer ici en particulier les prises de position de Genette (1983, 93-107) et de Diengott (1993b).

56 Genette (1972, 68). Dans la postface du Nouveau discours, Genette revient sur cet objectif, soulignant une nouvelle fois qu’il n’accorde aucun intérêt aux « impositions de ‘cohérence’ dont la critique interprétative a le facile secret » : « la fonction de la narratologie n’est pas de recomposer ce que la textologie décompose » (Genette 1983, 108).

57 Genette (1972, 271).

58 Bal (1999, x).

59 Ibid., 11.

60 Selon Genette (1983, 94) : « l’auteur “impliqué” […] n’est pas pour moi du ressort de la narratologie ».

61 Cette critique s’exprime par exemple chez Rimmon-Kenan dans sa recension déjà maintes fois évoquée du « Discours ». Cf. Rimmon (1976, 57 sq.).

62 Genette (1983, 94).

63 Bal (1981, 209).

64 Bal (1999, 18).

65 Cf. à ce propos plus particulièrement Diengott (1988). Sur l’arrière-plan des réflexions de Diengott, cf. Hrushovski (1976).

66 Diengott (1993a, 184). Voir également à ce propos Diengott (1993b).

67 Diengott (1993a, 184).

68 Nünning (1993) choisit une autre voie en tentant de développer un concept qui puisse remplacer la notion de Booth et que l’on puisse néanmoins utiliser dans le cadre d’une théorie du récit uniquement au service de la description du texte ; voir aussi à ce sujet Heinen (2002, 333).

69 Sur la construction de théories de l’interprétation, cf. en général Hermerén (1983), Danneberg / Müller (1984a) et Danneberg (2001).

70 Cf. à ce sujet Danneberg / Müller (1984b).

71 Sur une reconstruction nuancée de la délimitation réciproque, cf. Kindt / Müller (2003c).

72 Cf. à ce propos Kindt / Müller (2003a).

73 Voir notamment Darby (2001) ainsi que Kindt / Müller (2003b).

74 Sur cette question, cf. Stecker (1987), Iseminger (1992), Iseminger (1996), Stecker (1997), Carroll (2000) et Levinson (2002).

 

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