Séminaire
Récit, fiction, Histoire
Année 2009 / 2010

CRAL/EHESS
105, Bd Raspail
Paris 75006
Salle 2, de 17h à 19h

 

Responsables:
Jean-Marie Schaeffer
Alexandre Prstojevic
Luba Jurgenson

 

À partir des travaux des structuralistes français des années soixante, notamment du célèbre article de Roland Barthes « Le discours de l’histoire » (1967), une réflexion sur les spécificités du récit factuel a donné naissance, outre-Atlantique, à une véritable école de pensée appelée « the linguistic turn » (le tournant linguistique). La floraison d’études sur l’écriture du passé publiées dans la décennie suivante principalement par les historiens de métier (H. White, P. de Man, D. LaCapra) montre une remarquable perméabilité du champ historiographique aux travaux issus des domaines scientifiques connexes, mais aussi la volonté de la profession à comprendre et codifier elle-même sa propre méthodologie.

Cette réflexion avait la particularité de se développer dans une période qui fut marquée, en Occident, par de profonds changements sociaux (mai 68), démographiques (l’augmentation des flux (im)migratoires), politiques (l’effondrement du bloc communiste) et économiques (le « triomphe » du libre marché et le déplacement du pouvoir économique vers les pays émergeants). C’est dire qu’elle a coïncidé avec l’émergence, sur la scène intellectuelle, de la question de l’identité culturelle. Pour les gardiens des traditions européennes aussi bien que pour les théoriciens d’un univers métissé, la question de l’Histoire résumait à elle seule les tourments d’un monde qui se sentait de plus en plus déshérité de sa propre identité. Désormais, l’Histoire était la pierre de touche des théories. La littérature, en particulier, affichait un sévère doute en la possibilité de connaître objectivement le passé humain. Pour elle, les événements révolus perdaient la dureté de leurs contours physiques pour devenir un fait de langage qui pouvait être possédé, manipulé, déformé. (Il s’agit d’un fait épistémologique dont nous nous proposons d’explorer les enjeux et les limites, à savoir : que la science du passé risque à tout moment – et pas seulement dans les sociétés totalitaires - d’être ravalée au rôle d’une servante de la politique.)

Dans le contexte du structuralisme et du post-structuralisme, l’idée d’une vérité unique se voyait contestée au moyen d’une polyphonie énonciative posée comme principe démocratique préalable à toute discussion : chaque événement peut (et doit) être raconté de plusieurs points de vue idéologiques. Cette multiplicité narrative devint ainsi une sorte d’obligation morale. Le passé identifié à un « géométral » devait toujours pouvoir être raconté de plusieurs façons qui se valaient mutuellement. L’idée d’équivalence de principe est peut-être le point le plus intéressant – et le plus critiquable – de la théorie postmoderne dont les implications possibles vont jusqu’à des tentatives de mise en doute radicale de la validité de la frontière entre le récit factuel et l’imagination romanesque et par la voie de conséquence à la négation de la différence entre les faits historiques et la fiction littéraire (phénomène que nous allons analyser en nous appuyant sur des exemples précis).

L’objectif du séminaire Récit, fiction, Histoire est de croiser la réflexion théorique d’un côté et la pratique historiographique et littéraire de l’autre ; d’examiner l’une des plus stimulantes théories contemporaines du récit à la lumière des œuvres concrètes des témoins historiques. En un mot, de mener avec le concours des historiens et des littéraires, une réflexion qui relève à la fois de la poétique, de la méthodologie de l’histoire et de l’analyse littéraire afin de mieux comprendre non seulement les enjeux esthétiques et cognitifs de tels questionnements, mais aussi comment les thèses « relativistes » et « fictionnalistes » ont façonné la manière dont la culture occidentale raconte aujourd’hui son passé et, ce faisant, comprend son propre présent.

Corpus : Varlam Chalamov, Alexandre Soljenitsyne, Imre Kertesz, Danilo Kiš, Sebald, Yannick Haenel, Jonathan Litell, Hans Magnus Enzensberger, etc.
Mots clés : tournant linguistique, point de vue en histoire et en littérature, limites de la pratique historiographique, rapport entre les faits historiques et la fiction artistique, témoignage, roman.

 

Calendrier 2010-2011

Mercredi, 27 octobre 2010
Alexandre Prstojevic:
Roman, historiographie, savoir : sur quelques questions soulevées par linguistic turn (du point de vue d’un littéraire).

Ludi, 8 novembre 2010 Salle 6 17h-19 (Attention changement de jour et de salle !)
Luba Jurgenson:
Communautés testimoniales : enjeux épistémologiques

Mercredi, 24 novembre 2010
Qu’est-ce que le témoignage ?

Mercredi, 8 décembre 2010
Sabina Loriga:
La représentation de l’historien dans la littérature du XXe siècle.

Mercredi, 12 janvier 2011
Luba Jurgenson
La mise en scène d'un camp modèle par les nazi: le camp de transit de Teresiensztadt

Mercredi, 26 janvier 2011
Alexandre Prstojevic:
Ce qu’on voit n’est pas la vérité (A propos de l’oeuvre de W. G. Sebald)

Mercredi, 9 février 2011
Littérature et Historiographie face à la Shoah

Mercredi, 23 février
Marie-Andrée Morache:
Démythification chez Patrick Modiano et Danilo Kiš: le doute au service de l’histoire

Mercredi, 9 mars 2011
La question du bourreau dans le roman contemporain

Mercredi, 23 mars
Aline Vennemann:
“Nous accordons l'histoire avec nous.” L'écriture d'Elfriede Jelinek comme mise en scène de la trace

Mercredi, 6 avril 2011
Luba Jurgenson:
Paul Ricoeur: la triple marbrure de la construction du savoir historique. Quelles implcations pour le témoignage littéraire?

 

 

 

 


 

Année 2009 - 2010

Second semestre


24 février
Claire Aslangul (Paris-Sorbonne) :
Mobiliser par l'image: supports et mécanismes de la propagande nazie entre terreur, séduction et divertissement

10 mars
Hélène Mondon (Paris-Sorbonne)
Les déportés spéciaux de la région d’Arkhangelsk, images et réalités

24 mars
Luba Jurgenson (Paris-Sorbonne/CRAL)
Le camp des Solovki à travers les images de propagande

14 avril
Laurent Véray
La spécificité des images animées des actualités et des documentaires dits de propagande de la Grande Guerre

12 mai
Philippe Mesnard
L’utilisation de la représentation de la victime dans la propagande

26 mai
Régine Robin

9 Juin
Alexandre Prstojevic, Luba Jurgenson
Séance de clôture

 

Premier semestre


28 octobre
Luba Jurgenson, Séance d’ouverture. Ecrits testimoniaux : enjeux théoriques

25 novembre
Alexandre Prstojevic, Ce que l’on voit n’est pas la réalité. À propos de l’œuvre de W. G. Sebald

9 décembre
Alexandre Prstojevic, La persécution et le roman : Danilo Kis, Imre Kertész

13 janvier
Frank Wagner, À propos de Raymond Federman

27 janvier
Sujét à préciser

10 février
Luba Jurgenson, Clôture du premier semestre. Enonciation et identité dans les récits des témoins.

 


 

Année 2008 - 2009

Premier semestre : « La problématique de la trace »

25 novembre
Luba Jurgenson, L’ontologie de la trace
9 décembre
Alexandre Prstojevic, Le récit, la trace, le vide (sur Borislav Pekic et Danilo Kis)
13 janvier
Luba Jurgenson, Alexandre Prstojevic, Écriture, « archéologie littéraire », sujet
27 janvier
Pavel Chinsky, Micro-histoire de la Grande Terreur
10 février
Delphine Bechtel, Sur  l’archive historique
24 février
Yann Potin, Titre à préciser

 

 


 

Année 2007 - 2008

Mardi 4 décembre
Renauld Dulong : Qu’est-ce que le témoignage?
Mardi 11 décembre
Anny Dayan-Rosenman: Témoignage, roman, fiction
Mardi 15 janvier
Alexandre Prstojevic: Du témoignage au roman: la littérature de la Shoah (Kiš, Perec, Kertesz)
Mardi 29 janvier
Jean-Marie Schaeffer: Témoignage, roman, fiction: Question du genre
Mardi 12 février
Philippe Mesnard: Récits des camps 
Mardi 26 février
Luba Jurgenson: Stratégies narratives dans la littérature du témoignage
Mardi 11 mars
Annette Wieviorka titre à préciser
Mardi 25 mars
Michael Rinn: Titre à préciser
Mardi 8 avril
Luba Jurgenson: La problématique de la trace et le témoignage entravé (Chalamov et l’historique du témoignage sur le Goulag)
Mardi 13 mai
Frédéric Rousseau: La Grande Guerre entre le témoignage et la littérature I
Mardi 27 mai
La Grande Guerre entre le témoignage et la littérature II
Mardi 10 juin
Luba Jurgenson, Alexandre Prstojevic: Séance de clôture: Récit, fiction, Histoire: enjeux théoriques

 

Bibliographie sélective (cliquer pour télécharger)

 

 

Articles, conférences, vidéos

Renaud Dulong, Qu'est-ce qu'un témoin historique?

Entretien avec Philippe Mesnard à propos de son ouvrage Témoignage en résistance (Stock, 2007)

 

 

 

 

 

 

Vox Petica 2005